Ted Honderich:
Êtes-vous libre? Le problème du déterminisme

Paris, Syllepse, 2008, www.syllepse.net

Traduction francaise de N.D. Renaud revisee avec la collaboration de Edouard Guinet de How Free Are You ? The Determinism Problem, Oxford University Press, 2002.

Voici le premier chapitre intitulé 'Introduction à Deux Théories Suspectes' de la traduction française de l’ouvrage du Professeur Honderich, 2ème édition.

Au sein des philosophies anglaise et américaine, de tous les livres contemporains portant sur cette grande question, c’est lui qui a été le plus traduit.  La toute première édition en fut la somme de 644 pages, portant le titre A Theory of Determinism: The Mind, Neuroscience, and Life-Hopes, qui fut par la suite scindée en deux livres, publiés en format poche : Mind and Brain, et The Consequences of Determinism, tous deux parus chez Oxford University Press.

Honderich y démontre avec clarté l’existence et la vérité du déterminisme, et ce malgré certaines interprétations de la mécanique quantique visant à prouver le contraire.  Il entreprend ensuite de mettre en évidence la fausseté de deux grandes traditions, présentes de longue date dans la philosophie, à savoir celle qui veut que le déterminisme soit incompatible avec la liberté, et celle qui veut qu’il soit compatible avec la liberté.  Chacune de ces traditions repose, manifestement et nécessairement, sur l’idée que nous n’avons qu’une seule et unique conception, bien arrêtée et fondamentale, de ce qu’est la liberté, indépendamment de ce qu’elle puisse être compatible ou non avec le déterminisme.


Or, c’est précisément ce dont Honderich entend démontrer, arguments à l’appui, le caractère erroné.  Il soutient lui que ce n’est pas une, mais bien deux conceptions que nous avons tous de la liberté : selon l’une, la liberté est origination (libre arbitre), et selon l’autre, la liberté est volition, ces deux conceptions étant aussi bien établies et fondamentales l’une que l’autre, chez chacun d’entre nous.  Dans cette optique, le problème du déterminisme n’est donc pas celui de chercher à savoir si le déterminisme est ou n’est pas compatible avec la liberté.  En somme, théorie qui du reste recueille l’assentiment de philosophes de plus en plus nombreux, il n’est ni compatible ni incompatible avec la liberté.

Le problème auquel nous confronte le déterminisme est différent.  Il est, pourrait-on dire, d’ordre pratique, car c’est en effet celui de renoncer à une attitude, de nous efforcer à modifier nos existences.

La seconde édition revisée, et abrégée, parue en 2002 sous le titre How Free Are You? The Determinism Problem, et qui paraîtra en français sous le titre
Êtes-vous libre? Le problème du déterminisme, développe et pousse plus loin encore le thème des conséquences qu’entraîne pour l’homme le déterminisme.

Dans l’ouvrage en question, il figure, en guise de conclusion, un chapitre entièrement nouveau.  Il y est envisagé que dans le cadre de nos existences, et malgré la vérité du déterminisme, nous possédons bien un type d’indépendance ou de responsabilité, autre que celui jusqu’alors supposé.  Il s’agit là d’une indépendance qui se distingue de la responsabilité qu’ont supposée les philosophes adeptes de l’incompatibilisme liberté-déterminisme. 

Surgit donc un nouveau problème quant aux conséquences que suscite le déterminisme pour l’être humain.  Peut-être parviendrons-nous à le résoudre en dirigeant notre réflexion cette fois-ci sur la nature de notre propre conscience, dont il nous faudra du reste élaborer une théorie nouvelle, ainsi que sur la nature même des explications causales.



Chapitre 1
Introduction à deux théories suspectes


Le problème dont ce livre traite va vous passionner. Si l’on en doute, que l’on prenne à témoin les philosophes du présent et du passé, des plus illustres aux plus obscurs, qui se sont obstinés à vouloir le résoudre. D’aucuns en ont été décontenancés, d’autres se sont rangés du côté de leurs prédécesseurs, d’autres encore se sont essayés à réduire ce problème à un problème scientifique, d’autres se sont fait fort d’annoncer des solutions hardies. Ce problème est celui du déterminisme. Autrement dit, la question de savoir si le fait que vous ayez choisi ce livre et que vous soyez maintenant en train de lire cette phrase, ou votre décision de vous mettre en ménage avec quelqu’un ou au contraire de divorcer, se borne à une question de cause et d’effet.

Il existe de prétendues théories qui au final reviennent à pas grand-chose, ou en tout cas s’avèrent insuffisantes. Si certaines d’entre elles se situent hors de la science et de la philosophie telles qu’on les conçoit d’ordinaire, et se tiennent à l’écart des universités, il reste que beaucoup sont intra-muros. Par exemple, certaines théories philosophiques émises par des scientifiques – certaines portant sur le thème de la conscience –, n’ont, semble-t-il, guère plus de valeur que celle du papier qui a servi à leur impression.

On peut discuter et écrire au sujet de théories, on peut les croire sur parole, elles peuvent jouir d’un grand succès, perdurer même. Toutefois, cela ne les empêche pas de manquer de clarté, de cohérence, d’élaboration. Bref, de telles théories s’avèrent, du point de vue conceptuel, inadéquates. Lorsque vous entreprenez réellement d’avoir prise sur elles, de les disséquer, soit vous les trouvez obscures, soit elles ne tiennent pas la route, sont caduques, ou encore insuffisamment développées. Elles s’avèrent être des échecs, et ce avant même que vous n’ayez commencé à tester leur véracité.

La théorie du déterminisme tombe-t-elle sous cette catégorie ?

Il y a longtemps qu’elle a cours, assez longtemps pour que la plupart d’entre nous ayons une idée de ce qu’elle est. On peut énoncer comme suit son résultat supposé : dans tout ce que nous faisons ou choisissons, nous ne sommes pas libres, et nous ne devons donc pas être tenus pour responsables de nos actions, ni en recevoir le moindre crédit moral. Sans doute le déterminisme va-t-il à l’encontre de l’idée spécifique ou du type de liberté que l’on continue d’appeler le libre arbitre. Celui-ci est une propriété que nous sommes convaincus de posséder, et dont la perte nous préoccuperait très sérieusement. Lors de la comparution devant un juge, celui-ci peut nous rappeler fermement que lorsque nous avons choisi de commettre le délit en question, nous possédions bel et bien notre libre arbitre. Il se peut que ce juge ne fasse pas nommément appel à ce terme archaïque, mais cela ne nous empêchera nullement de saisir le sens de ses propos.

Les chapitres 2 à 5 de l’ouvrage traitent du soupçon, selon lequel le déterminisme, même s’il a cours depuis bien longtemps, ne représente néanmoins pas une théorie qui du point de vue conceptuel soit respectable – elle est insuffisamment explicite, cohérente, exhaustive. En bref, le déterminisme ne saurait se targuer du titre de philosophie authentique de l’esprit et de l’action. Plus d’un philosophe l’a d’ailleurs déjà dit. Des scientifiques l’ont souvent laissé entendre ou impliqué – et ce peut-être pas uniquement parce qu’ils ont tendance à s’embrouiller dès qu’ils sont confrontés à un type de pensée dépassant le leur en clarté .

Ces chapitres, en particulier le chapitre 4, font aussi entrer en jeu l’idée, contraire, du libre arbitre . Selon cette idée, chacun d’entre nous a une sorte de pouvoir personnel qui lui permet d’être à l’origine de ses choix et décisions, et par voie de conséquence, de ses actions. Le fait qu’ils se soient produits – leur initiation – ne se ramène certainement pas à une simple question de cause et d’effet. Ainsi, en une occasion donnée, le passé étant exactement ce qu’il était, le présent ce qu’il est et nous-mêmes ce que nous sommes, nous pouvons choisir ou décider le contraire de ce que dans les faits nous choisissons ou décidons. Il est tout à fait en notre pouvoir d’agir d’une manière différente de celle dont nous agissons en réalité.

Or il y a des raisons de soupçonner tout autant, si ce n’est davantage, cette théorie. Est-elle respectable ? Nous livre-t-elle ce qui mérite d’être qualifié de philosophie de l’esprit et de l’action ? Qu’elle fasse généralement figurer en son sein une interprétation d’une partie problématique de la physique, à savoir la théorie quantique, en est-elle pour autant rendue respectable ?

Pour mieux saisir le problème dès les chapitres d’ouverture, il nous faut opérer une ou deux distinctions. Philosophes et non-philosophes emploient le terme de « déterminisme » de différentes façons. Traditionnellement, on l’utilise pour désigner une théorie très générale portant sur toute la réalité, y compris le monde non vivant et surtout les atomes de la physique. Parfois, cette théorie générale est envisagée ou élaborée en termes d’équations mathématiques. Elle revient alors à un déterminisme exprimé en termes des sciences physiques.

Cependant, le déterminisme est aussi d’ordinaire pris comme une idée, une doctrine ou une théorie non mathématique, relative aux personnes, soutenant que nous ne sommes en quelque sorte ni libres ni responsables. Du fait que nous possédons une certaine nature, une nature humaine, nous ne sommes ni libres ni responsables.

Il existe un troisième usage qui, tout en s’inscrivant dans la même perspective que le second, en diffère cependant. Ici, le déterminisme n’est plus qu’un point de vue sur notre nature – essentiellement, celui selon lequel, s’agissant tant de nous que de nos existences, la causalité ordinaire est vraie, et que dans nos choix et décisions, nous sommes effectivement assujettis aux lois de la causalité. Suivant cet emploi du terme, le déterminisme revient à répondre par l’affirmative à la question de savoir si notre nature est fondamentalement comparable à celle des plantes ou des machines. Dans cette acception-ci, le déterminisme n’inclut, ni n’implique, une réponse à la question de savoir si nous sommes ou ne sommes pas libres. Cette dernière question, et cela surprendra peut-être, n’est même pas posée.

A cette troisième interprétation, de portée restreinte, il y a des raisons.

Il y a eu en philosophie une puissante tradition, soutenant que nous sommes, ou pouvons être, sujets à la causalité ordinaire – mais que simultanément nous pouvons être de toute façon libres. A l’examen de notre concept de liberté, nous apprenons que nous pouvons être libres de la manière ordinaire, la seule qui importe. En un mot, ceci se rapporte à l’absence de frustration. Nous pouvons donc être tenus responsables de nos actions ou en être loués, au motif que celles-ci n’allaient pas à l’encontre de nos désirs. Cette liberté, cette responsabilité, de type ordinaire, n’a cependant rien à voir avec le libre arbitre. Être soumis à la causalité est ici logiquement compatible avec ce que nous entendons par être libres, si nous ne tombons pas dans la confusion. Il n’y a pas là de contradiction.

Comme on pouvait s’y attendre, cette tradition « compatibiliste » a été combattue. De fait, une autre tradition vigoureuse en philosophie se préoccupe principalement de nier le compatibilisme. C’est la tradition incompatibiliste. Ce qu’elle soutient, c’est que logiquement vous ne pouvez être simultanément déterminé et réellement libre. Vous ne pouvez être les deux à la fois. Dans le sens réel ou strict du terme, vous ne sauriez être libre, là où vos décisions et actions ne sont qu’une question de cause et d’effet. Si vous prenez au sens littéral le concept de liberté, il existe effectivement une contradiction. Il s’ensuit que vous ne pouvez être tenu responsable d’une action, et que l’on ne peut vous en attribuer le crédit moral, cette action n’étant qu’un effet, et non votre œuvre.

Rien de tout ce qui précède ne peut être tiré au clair à ce stade. Il est clair, en revanche, qu’on a tout intérêt à tenter de démêler deux questions jusqu’ici enchevêtrées. L’une de ces questions est de savoir si, en tant que personnes, nous sommes sujets à la causalité, ou bien si au lieu de cela nous possédons une nature différente. En utilisant le troisième sens, restreint, du terme « déterminisme », signalé supra, ce que je ferai d’ailleurs dorénavant, c’est là la question même du déterminisme. L’autre question, pour la formuler de manière usuelle, est de savoir ce qui va s’ensuivre si le déterminisme est vrai. S’ensuit-il logiquement que nous ne sommes pas libres ? Cette question a pour objet les conséquences ou les implications du déterminisme. C’est d’ailleurs le problème auquel les philosophes ont accordé le plus d’attention.

Ainsi donc, les chapitres d’ouverture examinent du point de vue conceptuel la respectabilité du déterminisme, son bien-fondé, ainsi que celle d’une certaine philosophie indéterministe de l’esprit et de l’action. Cette dernière nie que notre nature soit autant une affaire de causalité que dans le cas des plantes et des machines ; elle est indéterministe en vertu de cette négation ; toutefois, elle porte aussi à notre crédit le pouvoir personnel que constitue l’origination. Ce pouvoir peut être attribué, de manière plus précise, à un moi ou à un auteur, un originateur, logé au sein de la personne. Tout comme le déterminisme de notre époque s’est employé à le faire, la théorie indéterministe sera tenue de réserver un rôle au cerveau, et d’affronter tant bien que mal le fait massif des neurosciences.

Il arrive qu’une telle philosophie de l’esprit et de l’action soit qualifiée de philosophie du libre arbitre – et ce, en dépit de notre distinction entre la question du déterminisme et de l’indéterminisme d’une part, et celle, séparable, des implications pour la liberté d’autre part. Étant donnée la définition que nous avons retenue du déterminisme, l’usage est fâcheux, mais il est difficile d’y résister, et il n’est pas exclu que moi-même de temps à autre, je revienne par inadvertance à ce type d’expression. Cela dit, le fait linguistique ne signifie pas qu’il n’y ait pas deux questions qui soient plus ou moins séparables. L’une porte sur notre nature, tandis que l’autre est de savoir si et comment nous sommes libres. Si vous préférez, l’une examine directement les faits relatifs à notre nature tandis que l’autre examine les faits en termes de leurs implications, disons, par exemple, dans le domaine de la responsabilité morale .

Après le problème de la respectabilité conceptuelle du déterminisme, les chapitres 6 et 7 abordent la question qui suit logiquement ; il se trouve que ce n’est pas celle de la liberté. Comme nous l’avons déjà laissé entendre, une théorie peut être claire, cohérente, complète – et fausse. Il peut fort bien en exister une, soutenant que la Terre est plate. Il doit certainement en exister une en économie, aux termes de laquelle privatiser des organismes publics nationalisés, par exemple, les chemins de fer ou le service des eaux, fait baisser les prix et s’avère donc une bonne chose pour tous. Ce que naturellement nous désirons obtenir, ce sont des théories vraies, ou en tout cas aussi vraies que possible. S’il s’avère que tant le déterminisme que l’indéterminisme possèdent les trois vertus intellectuelles précitées, pouvons-nous juger lequel d’entre eux recèle la vertu suprême ? Lequel autrement dit est vrai ?

Les chapitres 8 à 11 traitent effectivement de la question des conséquences ou des implications du déterminisme, et partant des doctrines du compatibilisme et de l’incompatibilisme. Cette même question des conséquences, signalons-le au passage, est aussi soulevée par quelque chose qui est peut-être plus largement accepté que le déterminisme. J’ai nommé le quasi-déterminisme. Peut-être devrait-on l’appeler le déterminisme là où il importe. Celui-ci autorise qu’il y ait ou qu’il puisse y avoir de l’indéterminisme, mais uniquement à ce qu’on a appelé le microniveau de notre existence, à savoir celui des petites particules dans nos organismes, du genre de celles qu’étudie la physique. Toutefois, au niveau ordinaire de nos choix et actions, et même au niveau de l’activité électrochimique qui se produit dans nos cerveaux, ce sont les lois de causalité qui gouvernent tout ce qui survient. Dans la vie réelle, ou ce qu’on appelle ainsi, il n’y a que des causes et des effets.

La question qui se pose est celle-ci : si le déterminisme – ou le quasi-déterminisme – est vrai, s’ensuit-il que nous ne sommes ni libres, ni responsables ? Cela fait maintenant des siècles que l’on s’est battu sur ce terrain philosophique. Et d’un côté comme de l’autre, on a vu apparaître de hautes figures de la philosophie. David Hume (1711-1776), le penseur de langue anglaise le plus distingué en philosophie, fut un partisan redoutable du compatibilisme. Pour passer rapidement du 18e au 20e siècle, Jean-Paul Sartre (1905-1980), le célèbre existentialiste français, fut, quant à lui, un incompatibiliste. Emmanuel Kant (1724-1804), peut-être bien le plus grand des philosophes allemands, fut aussi un incompatibiliste, quoique d’un genre unique.

Se pourrait-il que les deux camps aient tort, et de plusieurs manières ?

Quand ils conçoivent le déterminisme comme affectant notre liberté, se tromperaient-ils dans la conception qu’ils se font des types de conséquence que peut avoir le déterminisme, dans l’idée qu’ils se font du nombre et de la nature de ces conséquences ? La préoccupation que suscite le déterminisme, ou la menace qu’il laisse planer, a-t-elle trait à une seule chose, i.e. la responsabilité morale, comme semblent l’avoir supposé presque tous les compatibilistes et aussi la quasi-totalité de leurs adversaires ? Ou bien se rapporte-t-elle principalement à la responsabilité morale et à la question connexe de la justification des peines ? Si la morale joue un rôle non négligeable dans nos existences, il n’en est pas moins vrai qu’à tort ou à raison, elle est loin de tout englober.

Il faut signaler une deuxième question. Se pourrait-il aussi que les deux camps se trompent, en pensant que l’on a réellement prise sur le problème fondamental, quel que soit l’endroit où il surgit, en se contentant de demander – indépendamment de la manière dont on nous conseille de nous y prendre – si les termes « déterminé » et « libre » sont logiquement compatibles, si les deux peuvent se dire véridiquement d’une seule et même chose ? Comme on peut dire d’une même chose « rond » et « vert », et non pas « rond » et « carré » ? Précisons : notre question sur les conséquences du déterminisme, est-elle une telle question, d’ordre purement intellectuel, portant sur le concept que nous avons de la liberté ? A savoir une question où une « preuve » supplémentaire, venant s’ajouter aux autres, va trancher et résoudre les choses ? On a d’ores et déjà connu beaucoup de ces « preuves », dont certaines étayées sur des logiques formelles ou symboliques. En outre, il est certainement vrai que le déterminisme et le fait que nous tenions les gens pour responsables, et ainsi de suite, se rapporte dans une large mesure à nos attitudes, nos sentiments, et assurément à nos désirs.

En troisième lieu, compatibilistes et incompatibilistes pourraient-ils se fourvoyer, et cette fois-ci de manière encore plus fondamentale ? Pourraient-ils se tromper en souscrivant à la conviction que dans leur combat, l’un des deux camps doit forcément avoir raison ? Se pourrait-il qu’ils se leurrent en croyant que l’un ou l’autre des camps doive détenir la vérité sur l’impact qu’a le déterminisme sur d’autres choses (quel que puisse en être le nombre, élevé ou non, dans la réalité) ? On peut aisément se laisser séduire par cette opinion. Ainsi tendrez-vous à affirmer soit que le déterminisme est compatible avec la liberté, soit qu’il ne l’est pas. L’une de ces deux options, direz-vous, doit être vraie. Tout comme il ne peut pas ne pas être vrai que vous mesuriez soit plus, soit moins, de 1,80 mètre.

A mon avis, compatibilistes et incompatibilistes se trompent dans les trois cas. Il se trouve donc qu’ils peuvent bel et bien être dans le faux. De nos jours, davantage de personnes que naguère tombent d’accord avec cette vue peu orthodoxe. Disons qu’elle est devenue plus orthodoxe que par le passé. De fait, les conférences rassemblant des philosophes pour débattre sur le thème du déterminisme et de la liberté, ne sont plus ce qu’elles étaient.

Ainsi donc, ce livre est-il tout à la fois une introduction à un problème capital, et un argumentaire. Il rend compte d’un grand débat tout en y participant activement. C’est au profane qu’il s’adresse. Il s’avérera également utile aux avocats, médecins, scientifiques, physiciens en particulier, psychiatres, criminologues, théologiens, psychanalystes, et à tous ceux et celles qui soit se trouvent confrontés à ce grand problème, soit se sentent attirés par lui. Cela dit, il vise en priorité l’étudiant pressé. Ce qui ne veut pas dire que l’ouvrage lui-même soit hâtif, comme a pu le laisser entendre, avec un certain esprit de concurrence, un autre auteur d’ouvrages d’introduction (McFee). Je serai le premier à reconnaître, sans toutefois me risquer à le promettre, que c’est une sorte de résumé de mon ouvrage de 644 pages : A Theory of Determinism : The Mind, Neuroscience, and Life-Hopes. Il emprunte et suit la même voie.

Toutefois, cette deuxième édition diffère de la précédente à plusieurs endroits, et elle ne s’achève pas sur la même conclusion. J’ai en effet songé davantage au problème, et certains doutes se sont depuis fait jour, d’où la présence du chapitre 12. Le présent ouvrage va donc plus loin que sa première édition  et que son imposant prédécesseur. Il part en outre d’une autre ligne d’interrogation. Il nous laisse en fin de parcours, nous deux, vous et moi, auteur et lecteur, sur un nouveau sujet de réflexion. Il n’est du reste pas inconcevable qu’il en soit mieux ainsi.

Sans conteste, et à plusieurs égards, le présent ouvrage est à préférer à son imposant prédécesseur. Il est plus court. Il est à jour et comporte une bibliographie substantielle . Il inclut aussi un glossaire de termes philosophiques, situé en fin d’ouvrage, dont le lecteur aura peut-être déjà pu juger l’utilité. Que peut bien signifier cette chose, l’origination ? L’indéterminisme, l’incompatibilisme, le libre arbitre, comment ces notions se relient-elles l’une à l’autre?

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